Daunte Culpepper tire sa révérence

A seulement 31 ans, l’ancien quarterback vedette des Vikings de Minnesota, vient d’annoncer le 4 septembre qu’il mettait un terme à sa carrière. A un âge où la plupart des meilleurs passeurs de la NFL arrivent à maturité, Culpepper, free agent depuis cet été, n’a pas réussi à trouver de place dans un roster pour la nouvelle saison qui vient tout juste de commencer. Le football a repris ses droits, et le départ en retraite de l’ex enfant prodige de Minneapolis s’est fait dans un anonymat des plus relatifs, ne suscitant qu’une émotion toute mesurée, nous rappelant que les lois de la ligue sont semblables à celles régissant une jungle : impitoyables.

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culpepper1Les débuts de Culpepper en NFL laissaient pourtant augurer d’une carrière des plus prometteuses. Après avoir réalisé de brillantes classes à l’université de Central Florida, il est choisi au onzième rang de la draft 1999 par la franchise du mythique coach Dennis Green, les Minnesota Vikings. Une première année passée dans l’ombre à apprendre aux côtés du vétéran Randall Cunningham, et le voilà dès la saison suivante propulsé aux commandes de l’escouade offensive de l’équipe. Il termine l’exercice avec des statistiques faramineuses (33 passes de TDS, 7 TDS à la course, un rating de 98.0), les Vikings atteignant la finale de la conférence nationale, au cours de laquelle ils sont balayés dans l’antre des Giants. Mais les performances de ce jeune quarterback noir au profil moderne, bras de feu, solide (130 kilos sur la balance) et capable de porter la balle, suscitent d’immenses espoirs chez les fans. D’autant qu’il possède en la personne de Randy Moss un receveur hors-norme, avec qui il va désormais former une doublette redoutée par les défenses aux quatre coins du pays. Pourtant, après avoir décroché le précieux ticket pour les playoffs à sept reprises en huit ans (une régularité assez exceptionnelle à ce niveau), l’effectif des Vikings arrive à bout de souffle, cette fin de cycle se concrétisant par trois saisons sans relief pour la franchise. Il faut attendre 2004 pour voir les Vikes revenir sur le devant de la scène, emmenés par un Culpepper qui affole les compteurs (4 717 yards à la passe, 39 TDS à 69.2% de réussite pour 11 interceptions, 110.9 de rating). Au sommet de son art, il envoie sa formation en demi-finale de conférence, où Minnesota doit céder face aux futurs finalistes, les Eagles de Philadelphie. La saison suivante inaugure une nouvelle ère du côté des Vikings : Randy Moss ayant fait ses valises pour Oakland, tous les espoirs reposent désormais sur les épaules de Daunte. Malheureusement, le 30 octobre 2005, son genou lâche lors d’une confrontation face à Carolina. Il ne reviendra jamais au niveau qui a été le sien, celui d’un quarterback trois fois pro-bowler, brisé dans son ascension vers les sommets. Un long chemin de croix s’esquisse dès lors devant lui…

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pepper2Échangé à Miami en 2006 contre un second tour de draft, ce passage en Floride est symptomatique de la déchéance de Culpepper. Lors de sa première prestation sous ses nouvelles couleurs, il est sacké à sept reprises, avant d’être conspué par la foule à la mi-temps. Après quatre matchs seulement (au cours desquels il est mis à terre vingt-et-une fois), il est contraint de regarder le reste de la saison du banc de touche, ses douleurs au genou ayant faits leur réapparition, et se révélant récalcitrantes et persistantes. Tombé en disgrâce, la dernière image qui restera de ses déboires floridiens est celle d’un homme meurtri, quittant le terrain lors du camp d’été des Dolphins, accompagné par un agent du service de sécurité, le staff technique de l’équipe ne lui laissant plus la possibilité de s’entraîner. L’année passée, il tente de se relancer du côté d’Oakland, sans grand succès : il ne débute en effet que cinq rencontres, ne lançant à cette occasion que cinq passes de touchdowns…

Pour la première fois de sa carrière free agent (libre de tout engagement), il aborde pourtant le début de l’été plein d’espérance, envisageant son nouveau statut de manière convaincue et optimiste : « Quand ma période de free agent a débuté cette année, j’ai ressenti un enthousiasme nouveau sur la façon de continuer à reconstruire ma carrière comme j’ai reconstruit mon genou après ma terrible blessure en 2005 ». Il va malgré tout rapidement déchanter : « Malheureusement, je me suis bien vite rendu compte que la ligue ne partageait pas le même optimisme que moi sur ma situation de free agent. En fait, j’ai ressenti la sensation désarmante qu’il n’y aurait pas de vestiaire pour moi parmi les quarterbacks cette année ». Malgré quelques touches (on a parlé de lui pour prendre la place de backup d’Aaron Rodgers à Green Bay), rien de concret n’affleure pour Culpepper, qui, plutôt que d’attendre en vain une proposition tangible, décide de tirer un trait sur sa carrière de footballeur, une once de regret et de désillusion aux bords des lèvres : « Depuis le début des camps d’entraînement, je me suis laissé entendre dire qu’une opportunité se présenterait dès lors qu’un quarterback se blesserait. Je ne me rappelle pas la dernière fois où autant de quarterbacks ont été blessés durant la présaison. J’ai été fortement encouragé par ma famille, mes amis et le personnel de la ligue, qui m’ont suggéré d’être patient jusqu’à la blessure inévitable d’un starter de la ligue. Je préfère fermer la porte à une telle ‘opportunité’ que d’attendre que l’un de mes camarades ne se blesse sérieusement. Dès lors que je n’ai pas eu une chance de revenir et de concourir pour un job, je préfère avancer et gagner dans d’autres domaines de la vie ».

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op4p-4302Sa situation ne manque pas de susciter des réactions empreintes de surprise, en témoignent les propos de son ancien coéquipier Vonnie Holliday, defensive lineman des Dolphins, qui déclare ainsi : « Vous regardez la ligue et vous remarquez de nombreuses équipes qui n’ont pas au poste de quarterback un joueur de sa qualité ».  Darren Sharper, safety de Minnesota, où l’ombre de Culpepper est encore palpable, renchérit : « Très surprenant. Surprenant aussi qu’il n’ait pas décroché une place. L’an dernier, je ne trouve pas qu’il ait mal joué à Oakland. J’ai vu des quarterbacks qui sont toujours sur le circuit aujourd’hui et qui jouent beaucoup moins bien… Et qui ont toujours un boulot. C’est pourquoi je ne comprends pas les raisons de sa situation ».

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Il faut enfin préciser que dans un sport où la place de quarterback est si primordiale et exposée, l’attribution des postes est une affaire qui revêt des enjeux substantiels, soumise à des tractations financières qui engagent des sommes d’argent colossales. Dès lors, la réalité du terrain n’est plus le seul critère à prendre en compte, et à ce petit jeu, en choisissant d’être son propre représentant à partir de 2006 (il est l’un des très rares joueurs de NFL à ne pas avoir d’agent, et à gérer lui-même ses contrats), Culpepper a peut-être payé sa volonté d’indépendance au prix fort. Malgré tout, il ne semble pas regretter cette décision, qui lui permet d’arborer un regard nouveau sur son sport et son organisation, sans concession et avec une pointe d’amertume : « La décision que j’ai prise en 2006 d’être mon propre représentant a été une expérience inestimable. Je comprends désormais pourquoi tant de gens en NFL se trouvent mal à l’aise en présence d’un joueur qui comprend réellement le business. Maintenant, la NFL tourne plus autour du pouvoir, de l’argent et du contrôle, qu’autour de la passion, la compétition et l’amour du jeu. […] Dès lors que je n’aurai pas la possibilité d’honorer la mémoire de Gene Upshaw1 en portant un badge sur mon maillot cette année, je dépenserai plutôt mon énergie à appliquer ce qu’il m’a appris à propos de se tenir debout pour ce qui est juste et de ne pas s’asseoir face à ce qui est arbitraire ».

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pepper4Le microcosme de la NFL est ainsi fait, implacable et sauvage, vivant selon ses propres règles, n’épargnant personne. Culpepper est-il une nouvelle victime du sport-business ? Difficile à dire, considérant que son ego n’a jamais été facile à gérer, et que les millions glanés au cours de ses neufs années passées dans la Ligue l’ont mis à l’abri du besoin pour le restant de ses jours. Il est malgré tout toujours triste de voir un sportif doté d’un tel talent sortir ainsi par la petite porte, à un âge où il pourrait sans doute encore beaucoup apporter au jeu… L’histoire pourtant, n’est peut-être pas totalement finie, l’exigence et la dureté du poste de quarterback lui laissant une ouverture pour un come-back, qui pourrait avoir lieu plus tôt que prévu. En effet, Tom Brady, star des New England Patriots, vient de se blesser pour la saison lors de la première journée, et son coéquipier Randy Moss aurait fortement suggérer à son coach Belichick le nom de… Culpepper pour le remplacer. La rumeur enfle depuis quelques jours, reste à savoir si les conditions seront réunies pour donner à Daunte l’occasion d’effectuer un baroud d’honneur et de donner un second souffle à sa carrière. Dans l’inextricable monde de la NFL, nous ne sommes jamais au bout de nos surprises…

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1- Gene Upshaw est un ancien guard hall-of-famer des Raiders d’Oakland, pour qui il a joué de 1967 à 1981, glanant au passage deux superbowls et sept sélections au pro-bowl. Sa carrière de joueur finie, il prend en main les destinées de l’association des joueurs à partir de 1983, faisant énormément pour les droits de ces derniers, en particulier en imposant une convention collective (autonomie conférée aux joueurs et plafond salariale pour les propriétaires) en 1993. Son décès le 20 août dernier a ému tout le monde de la NFL, qui a décidé pour la saison à venir qu’avant chaque rencontre, ses initiales et son numéro 63 seraient inscrits sur le terrain, et que chaque joueur porterait un badge avec l’inscription « GU ».

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Article écrit le 11-09-2008

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