Un ange de plus…

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Le 13 octobre 2008, l’un des plus grands espoirs du hockey sur glace russe, Alexei Cherepanov, est décédé lors d’une rencontre de la KHL (nouvelle ligue de hockey eurasienne, qui ambitionne de concurrencer la NHL). Victime d’un malaise sur le banc de touche au cours du troisième tiers temps du match qui opposait le Vityaz Tchekhov à son équipe de l’Avangard Omsk (club appartenant au milliardaire Roman Abramovitch), il n’a pu être réanimé, et a rendu son dernier souffle dans les vestiaires de la patinoire. Âgé de 19 ans, et officiellement en pleine forme physique, sa mort subite soulève bien des questions : y a-t-il eu des négligences au niveau de l’assistance médicale et des équipements de la patinoire ? Avait-il un problème au cœur qui aurait pu/du être diagnostiqué ? Et à l’heure où un nombre croissant de champions souffrent de malaises étrangement similaires, les inévitables allusions au dopage ne manqueront pas d’envelopper cette affaire…

Dès le lendemain de la tragédie, plusieurs rumeurs se sont mises à circuler, faisant notamment état du fait qu’une collision avec son prestigieux coéquipier Jaromir Jagr aurait pu déclencher son malaise. Ce dernier, assis à ses côtés lors de son évanouissement et visiblement en état de choc, a tenu à démentir immédiatement : « Rien de tel n’est arrivé. Je ne sais pas d’où cela vient. Probablement quelqu’un a voulu rendre l’information plus intéressante, alors ils ont mis le nom de Jagr dans le titre. […] Cela n’aurait même pas pu arriver de toute façon. Je ne joue pas sur la même ligne que Lyosha. Nous sommes tous les deux ailiers droits… Il était ailier droit. C’est tout simplement terrible ». Par contre, plus vraisemblable est l’observation selon laquelle les services d’urgence de la patinoire ont fait preuve d’une grande négligence. Il apparaît en effet que l’ambulance habituellement sur place était déjà parti avant le terme de la rencontre, et qu’une fois revenus, les secouristes n’avaient pas à leur disposition un défibrillateur (il n’y en avait d’ailleurs pas dans l’enceinte…) en bon état de marche (les batteries n’étaient pas rechargées).  Cette thèse est relayée par Pavel Krasheninnikov, membre du comité de supervision de la Fédération russe de hockey, et député à la Douma; il déclare ainsi : « il y a une part de négligence ici ». Négligence, un leitmotiv qui accable le gérant de la patinoire Yuri Afonkin et le directeur du club local Mikhail Denisov (ce dernier ayant déjà été démis de ses fonctions), tous deux mis en cause par les procureurs de la région de Moscou, qui ont confessé mardi sur leur site internet que « le gérant de l’arena de la région de Moscou où Cherepanov jouait n’a pas pu assurer la disponibilité des services médicaux d’urgence appropriés avant le match », sans préciser s’ils allaient ou non déposer des accusations au criminel. Ces manquements aux normes de sécurité les plus basiques, et la compétence mise en doute du staff médical (sur les images, on peut apercevoir Cherepanov porté à bout de bras par ses coéquipiers et des médecins jusqu’au vestiaire), sont un coup dur pour la KHL, la nouvelle ligue ambitionnant à terme d’égaler voire de supplanter son homologue nord-américaine, grâce aux millions investis. Avec le matériel adéquat sur place, nul ne peut affirmer qu’Alexei serait toujours en vie à l’heure actuelle, mais ses chances de s’en sortir auraient substantiellement augmentées…

Pour la KHL et les enquêteurs, le décès de Cherepanov serait du à un problème cardiaque, une ischémie chronique, qui provoque une insuffisance de la circulation artérielle au cœur et aux autres organes. Affirmation mise en doute par le Docteur Anthony Colluci, médecin urgentiste en chef des Red Wings de Detroit, qui sauva la vie de Jiri Fisher, victime lui aussi d’un malaise cardiaque le 21 novembre 2005. Il révèle : « Je dirais que c’est très inhabituel, presque du jamais vu, pour un athlète de haut niveau de 19 ans d’avoir une ischémie chronique ». Pour lui, si Cherepanov était réellement atteint de ce mal, un simple électrocardiogramme aurait suffi à le diagnostiquer : « Ce n’est pas dur à détecter. Et jusqu’à dire qu’un jeune de 19 ans à une ischémie « chronique », je veux dire, il a seulement 19 ans, comment cela peut-il être chronique ? Je ne dis pas que l’ischémie ne peut tuer une personne, mais si c’était la cause de la mort, je peux vous dire à quel point ce serait inhabituel et rare pour le coup ». D’ailleurs, et c’est également ce que pensent de nombreux experts en Amérique du Nord, si Cherepanov souffrait d’ischémie, sa maladie aurait été révélée lors de ses voyages aux Etats-Unis, notamment au cours des camps des New York Rangers, qui l’avaient drafté en 2007. Selon Colluci, il apparaît plus probable que le joueur était atteint de cardiomyopathie hypertrophique, symptôme prenant la forme d’un tueur silencieux, difficile à repérer et souvent fatal quand il frappe. Les causes de la mort de Cherepanov restent donc pour le moment floues, une expertise médico-légale exhaustive suit toujours son cours.

Ce drame s’inscrit dans une série d’accidents analogues, qui émaillent le monde du sport de plus en plus fréquemment depuis une dizaine d’années. Le but ici n’est pas d’accuser sans preuve, ni d’ouvrir un nouveau débat sur le thème du dopage. Il convient toutefois de remarquer que le hockey sur glace, à l’instar des autres sports américains, n’est que très peu touché par ce fléau : rares sont les cas de sportifs contrôlés positifs, malgré les suspicions qui pèsent, à l’instar d’autres disciplines. Dans une ligue comme la KHL, dirigée par les milliards des apparatchiks russes, et qui vise à devenir aussi attrayante que la NHL en terme de niveau de jeu, il serait intéressant de savoir quelles sont les dispositions mises en œuvre, et quels sont les organismes qui se chargent de la prévention et de la lutte contre le dopage…

Cherepanov était considéré comme la future étoile du hockey soviétique, une carrière brillante s’exposait devant lui. Son agent Jay Gossman rappelle : « Il a joué pendant trois saisons au niveau professionnel en Russie. Aucun autre joueur avant lui n’a réalisé ce tour de force avec autant de succès que lui. Cette saison, il continuait dans la même direction. […] C’est un joueur qui avait hérité d’un remarquable talent ». En 2006-2007, il inscrit 29 points en 47 points lors de sa saison rookie, faisant mieux qu’Ilya Kovalchuk, Alex Ovechkin et Evgeni Malkin au même âge. Il efface également des tablettes le vieux record de Pavel Bure, avec 18 buts marqués au cours de sa première année (contre 17 au Russian Rocket). Durant l’intersaison, il joue un rôle majeur dans l’obtention de la médaille d’argent par la Russie aux championnats du monde junior. A l’occasion de la draft 2007, il est pressenti pour être retenu parmi les cinq premiers choix, mais les franchises nord-américaines craignent qu’il ne soit retenu par les millions sur sa terre natale. Les Rangers profitent de l’aubaine, et le sélectionnent au dix-septième rang. Mike Pelino, l’entraîneur adjoint des blue shirts, se souvient : « Ce jeune joueur m’emballait au plus haut point et lorsque je l’ai vu à l’œuvre, je me suis dit que nous avions sélectionné quelqu’un de très spécial ». L’année suivante, celui que l’on appelle The Siberian express poursuit sa progression à Omsk (28 points dont 15 buts), et glane une nouvelle médaille avec les jeunes russes, en bronze cette fois, au cours d’un tournoi où il est élu meilleur attaquant.

Parti sur les mêmes bases cette saison, Alexei Cherepanov a vu son rêve et sa vie se brisés nets sur le bord de la glace où il excellait tant. Il poursuivra désormais une carrière qui s’annonçait flamboyante avec les anges…

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Article écrit le 04-12-2008

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Vidéos

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Hommage à Alexei Cherepanov

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Best of de sa trop courte carrière

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